Certains lieux sont déjà impressionnants de jour, alors imaginez la nuit ! C'est le cas des forts Sardes de l'Esseillon, au-dessus de Modane. Construits avec l'argent des réparations versées par la France au royaume de Piémont-Sardaigne après la défaite napoléonienne de 1815, ils étaient sensés protéger le petit état des appétits de conquête de l'ogre français. Mais par une entourloupe de l'histoire, ils n'ont pratiquement jamais servi....
La nuit tombe et soudain, la masse imposante des casernements faiblement éclairée par les petites lanternes écrase encore plus le visiteur. L'imagination s'emballe et c'est là que les premiers fantômes apparaissent.
Dans la lumière chaude de la bougie, la simple voûte de la batterie basse prend des allures de cathédrale romane. Voyez, là, les fantômes sont en train de livrer un combat acharné qui jamais n'aura lieu. Dans un silence assourdissant, les artilleurs chargent les canons par la gueule, nourrissent les bouches à feu, pointent, tirent... L'atmosphère est irrespirable de fumée, l'odeur de poudre prend à la gorge, ça sent la sueur, la peur, la rage de vaincre, l'angoisse et la mort...
Plus haut. Place à la vie quotidienne qui reprend. Service religieux dans la chapelle où simples soldats et officiers ne se mélangent pas... Chambrées glaciales où les hommes partagent le même bas-flanc pour lutter contre le froid. Et les manœuvres incessantes, harassantes, et les heures passées à scruter l'arrivée d'un hypothétique ennemi qui ne viendra jamais. Et l'ennui, l'ennui, l'ennui...
Ca y'est, la visite est finie... Le groupe emprunte l'immense plan incliné, véritable porte des enfers, qui servait à descendre les canons. Les lanternes se balancent et les fantômes vont pouvoir retourner à leur ennui.