C'est un de ces jours où le printemps le dispute à l'hiver dans le cours imperturbable des saisons. Le soleil est là mais la bise froide transperce, si bien que la neige ne sait plus si elle doit fondre ou perdurer. Bref, c'est un jour à balade et me voilà parti vers la Bérarde, au coeur de l'Oisans chauve, le plus minéral et le plus sauvage.
Mais avant cela il faut dépasser St Christophe en Oisans. On a coutume de dire que l'Oisans est un pays tellement pentu qu'il faut ferrer les poules. Ici, c'est au village tout entier qu'il faudrait mettre les fers pour qu'il reste agrippé à son versant...
D'ailleurs, je me suis toujours demandé ce qui avait pu pousser les populations à s'installer dans ces endroits ahurissants de raideur et d'inaccessibilité. Quelle vie ont pu avoir ces gens, y'avait-il seulement une différence entre leur condition et celle de leurs bêtes ?
Pour les gens d'Oisans, St Christophe est un village d'importance, car pays d'origine du fameux Pierre Gaspard, alias Gaspard de la Meije. Dans la seconde moitié du 19ème siècle, le tourisme se développe très lentement en Oisans, qui manque cruellement de routes et de structures hotelières de qualité. Cela n'empêche pas des villageois de passer du statut de chasseurs de chamois à celui de guides et la concurrence entre le Club Alpin Français et la Société des Touristes du Dauphiné est féroce... Au fait, savez-vous pourquoi l'hôtel à l'entrée du Bourg d'Oisans s'appelle Oberland Bernois ?
Après avoir écumé la Suisse et le massif du Mont Blanc, les Anglais débarquent en Oisans : Coolidge, Whymper, Kate Richardson et consors enchaînent les premières, ce qui n'est pas du goût des guides locaux. Tant et si bien que le 15 août 1877, date de la première ascension de la Reine Meije, Gaspard aurait déclaré "En voici une que les Anglais n'auront pas". L'Entente Cordiale se portait décidément très bien. Pour en savoir plus, faites une halte à l'excellent musée de l'alpinisme qui retrace cet épisode majeur de la conquête des Alpes.
Scoop ! De juin à septembre, le musée proposera une exposition exceptionnelle sur la montagne vue par les peintres. 21 toiles, réalisés par les plus grands peintres régionaux seront présentées.
Au-delà de St Christophe la route devient acrobatique et on retrouve toujours cet habitat permanent suspendu à la montagne : Champhorent, les Etages...
Il faut bien sûr lever le nez pour admirer les sommets environnants. D'ailleurs ils dominent tellement le paysage que vous ne pouvez pas les rater. Mais n'oubliez pas non plus de regarder ce qui se trouve à vos pieds... Ruisseaux, eaux de fonte qui rivalisent d'imagination pour dégouliner, flaques d'eau où surnagent des centaines de grappes d'oeufs de grenouille, des millions de petits tétards à naître ! Mais combien atteindront l'âge adulte ?
Les Etages, architecture traditionnelle d'Oisans. Le rez de chaussée de la maison est maçonné avec d'un côté l'habitation et de l'autre l'étable. Contrairement à la Haute Maurienne, on n'a pas d'exemple de cohabitation hommes/bêtes. Parfois, quand le propriétaire est suffisamment riche ou qu'il a une famille nombreuse, la partie habitation comporte un étage. Le foin est stocké dans la grange au-dessus, ce qui constitue un excellent isolant. Les pignons en bois laissent passer l'air pour éviter les incendies dûs à la fermentation d'un foin récolté trop humide.
Ca y'est, la Bérarde n'est même pas encore là que déjà la Barre des Ecrins (4102 m) barre la vallée (pffff facile !). Bon sang, mais c'est bien sûr ! Voilà d'où lui vient son nom ! Ceci dit, la face Oisans de la Barre n'est pas la plus connue et pour retrouver l'immense versant glaciaire, il faut passer par le Dévoluy. Reste que cette masse est bougrement impressionnante.
La Bérarde est connue comme le loup blanc dans le milieu de la montagne, car c'est le point de départ des plus belles courses de l'Oisans, dont la classique de la Meije par la face sud via le Promontoire et le Glacier Carré. Mais bon, hormis le cadre, le village est assez décevant. Pas d'unité architecturale, des constructions franchement moches, les inévitables panneaux pub pour des boisssons etc etc....
Mais il y a quand même de très belles petites maisons et surtout une chapelle qui me touche beaucoup. Ses murs pleurent les plaques commémoratives et je me demande à chaque fois combien de drames elle a pu abriter. Tous ces gens disparus en assouvissant leur passion ou dans l'exercice de leur métier...
Morts peut-être, mais dans la pleine acceptance du risque et en toute connaissance de la montagne. Dommage que les petits connards de surfeurs ou de skieurs qui sortent hors pistes au premier flocon venu ne comprennent pas ça. Ca éviterait bien des drames et bien des cheveux blancs aux services de sécurité des pistes. Et au tam tam médiatique de déblatérer des débilités au kilomètre et de cherchant des responsables comme si leur survie cathodique en dépendait.
Bref, pour en revenir à un sujet plus léger, je suis venu voir les chamois qui sont malheureusement beaucoup trop haut perchés pour faire des photos intéressantes. Du coup je fais de la reptation ventrale comme on m'a appris à l'armée pour m'approcher d'un pinson des arbres qui casse la croûte par là. Et un grand merci au 300 mm !
Voilà, retour vers la Vallée de l'Eau d'Olle après en avoir pris plein les yeux. L'Oisans est vraiment un pays magique !
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